Mai 1981 - Le lycéen de 17 ans que j'étais n'aurait manqué pour rien au monde ce jour historique de l'arrivée du président socialiste à la tête de la Vème République. Dès 9h00, j'étais face à l'Elysée, puis sur les Champs Elysées, puis rue Soufflot pour le voir remonter vers le Panthéon. Il y avait tellement de monde et d'espoirs. J'étais heureux de son élection parce qu'il avait promis, parmi ses 110 propositions, d'abroger le service militaire. Une promesse qu'il ne tiendra pas non plus...

J'ai revu François Mitterrand plusieurs fois au cours de ses deux mandats. J'ai un souvenir fort d'un meeting de la campagne présidentielle de 1988, alors qu'il remontait l'allée qui le conduisait vers la tribune. Son teint jaune et sa tête cadavérique m'avaient mis mal à l'aise. Mais il y avait une telle force dans son regard.

Quatorze ans plus tard, j'étais de nouveau sur les Champs Elysées pour voir Jacques Chirac dans ses habits de président. Je suis aussi allé rue de Solférino, où François Mitterrand était venu dire au revoir aux socialistes. Dans la foule, je l'ai vu remonter paisiblement. Je ne faisais plus partie de ses partisans, mais je voulais être là pour lui dire au revoir aussi. Après tout, il m'avait fait rêver et m'avait donné la passion de la politique. J'avais un profond respect pour François Mitterrand, et je n'ai pas hésité à me rendre place de la Bastille à l'annonce de sa mort, en janvier 1996.

Quant à Jacques Chirac, j'étais là pour saluer l'animal politique que j'avais vu pour la première fois en 1984 dans un meeting politique, dans le Val de Marne. J'avais soutenu Edouard Balladur lors du premier tour, mais j'avais compris, en assistant à un meeting de Chirac, en février au Palais des Sports, que celui-ci l'emporterait. Parce qu'il était encore capable de faire rêver tout un pays. Espoirs encore déçus qui ont conduit le pays au bord du gouffre dans lequel il est aujourd'hui.

Je n'ai jamais été un chiraquien et je crois n'avoir jamais éprouvé beaucoup de respect pour l'homme politique. J'avoue avoir été sensible à ses qualités d'homme. Lorsqu'il est venu à l'Hôtel de Ville d'Issy-les-Moulineaux, en septembre 2000, je l'ai vu sortir de la cour d' honneur, où tout était millémétré à la minute près, pour aller dans la rue serrer les mains des gens qui l'attendaient. Je l'ai vu s'agacer et écourter les présentations des "officiels" de la ville pour prendre un vrai plaisir à poser en photo avec des jeunes. Et quand, un an plus tard, je me suis retrouvé dans le salon d'honneur de l'Elysée, pour la remise de la Légion d'Honneur de mon patron, j'avais souri en le voyant bouger dans tous les sens pour faire plaisir à chacun de ses invités.

Demain soir, sauf énorme surprise, Nicolas Sarkozy devrait donc être le troisième Président de ma vie citoyenne. Je le suis depuis longtemps, l'homme qui connait tellement bien ses dossiers et qui est capable de répondre à n'importe quelle question. ll m'avait aussi épaté lorsqu'un fou avait pris en otage les enfants d'une école maternelle de sa ville de Neuilly, en 1993. J'ai croisé son regard, en janvier dernier, lorsqu'il sortait de la cérémonie des voeux d'Issy-les-Moulineaux. J'y ai vu une grande détermination. Ce regard déterminé, sa petite taille et son pas alerte m'avaient alors renvoyé l'image imaginaire de ce qu'était peut être Napoléon. En tout cas, je ne doute pas qu'il partage la même ambition pour notre pays.